Smart Home : notre nouveau rapport au logement (3/3)
Zoom sur l'une des grandes tendances de la maison connectée : le management de l'énergie.
Dans un contexte d’appauvrissement des ressources fossiles et du réchauffement climatique, plusieurs acteurs ont saisi l’opportunité de développer des produits et services pour réduire la consommation énergétique. Le couple climat et énergie étant l’un des plus grands défis auquel nous sommes actuellement confrontés.
Dans cet article, je présente les solutions de gestion de l’énergie dans la maison connectée. J’ai eu l’honneur de pouvoir échanger avec Laurent Fantino, directeur des ventes en France chez Bosch, avec qui j’ai pu discuter des enjeux des différentes solutions existantes sur ce marché.
Source : ScienceDirect
I- Quels facteurs ont stimulé le développement des solutions de gestion de l’énergie dans les maisons ?
Le secteur du résidentiel-tertiaire est responsable de la plus grande part de consommation énergétique
Selon le Ministère de la transition écologique et solidaire, en 2017, le secteur du bâtiment représentait 46% de l’énergie consommée en France, loin devant le secteur des transports (32%). Chaque année, le résidentiel-tertiaire émettant plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre, il est considéré comme un domaine clé dans la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique.
Selon Eco Infos Energies Renouvelables, le principal poste de consommation d’énergie est le chauffage qui représente à lui seul 50% de la facture totale énergétique d’un ménage. Viennent ensuite le chauffe-eau (25%), le gros électroménager tel que le lave-linge et le sèche-linge (12,5%) et le petit électroménager (12,5%).
La prise de conscience écologique des pouvoirs publics a entrainé un ensemble de réglementations et d’incitations visant à encourager les industries et le grand public à réduire leur consommation d’énergie
Le coup d’envoi a été donné en 1997 avec le protocole de Kyoto qui engage les pays signataires à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5% pour la période de 2008-2012 (protocole ratifié par la France en 2002). C’est ainsi que les gouvernements ont commencé à travailler sur une règlementation favorisant les moyens l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Plus récemment, la loi de transition énergétique pour la croissance verte publiée au journal officiel le 18 août 2015 fixe comme objectif à l’horizon 2050 de rénover l’ensemble du parc au standard « bâtiment basse consommation » ou équivalent. Cette loi est à l’initiative de l’individualisation des frais de chauffage dans les logements collectifs. Si en pratique, l’individualisation des frais de chauffage n’est pas encore mise en place dans tous les logements collectifs, elle a pour but de responsabiliser chaque occupant face à sa consommation d’énergie et lui permettant de mieux la maîtriser. Y figure également l’encadrement du déploiement des compteurs communicants capables de suivre en temps réel la consommation d’énergie.
Il y a quelques semaines, le président Emmanuel Macron annonçait mettre en place des aides financières à destination des plus modestes pour la rénovation énergétique des logements.
La mutation du comportement des consommateurs vers une utilisation durable des ressources énergétiques
La valeur que nous accordons à l’énergie et à l’environnement a beaucoup changé. Cette prise de conscience écologique explique l’attrait de certains consommateurs pour des solutions d’économies d’énergie dans leur maison / appartement. Les consommateurs se rendent compte que ces systèmes contribuent non seulement à réduire leurs dépenses énergétiques mais jouent également un rôle majeur pour rendre les ressources disponibles plus durables.
La sensibilisation accrue des consommateurs jumelée aux règlementations gouvernementales, crée une opportunité de marché intéressante pour ces fournisseurs de solution de gestion de l’énergie dans les maisons.
Un dernier facteur qui stimule ce marché est la multiplication des protocoles sans fil qui permet de s’affranchir du câblage. Le marché des technologies de communication étant segmenté entre autres en Zigbee, Z-Wave, Wi-Fi et Home Plug.
II- Quelles sont les types de solutions existantes et leurs bénéfices ?
Les systèmes de gestion de l’énergie résidentielle se composent d’appareils, de logiciels et de services.
Concernant le matériel, le marché est segmenté par type d’appareils : compteurs intelligents, thermostats intelligents, interrupteurs de contrôle de charge, prises intelligentes capteurs et contrôleurs intelligents (centraux avancés, radiateurs). D’après la société d’études de marché IMARC, les commandes d’éclairage représenteraient le plus gros segment.
Selon Gfk, plus de 30 000 thermostats connectés ont été vendus en 2018 soit une hausse de 47%. En 2019, ce chiffre atteignait 100 000, ce qui démontre qu’ils sont pour l’instant réservés à un public restreint. Les acteurs optent alors pour des partenariats avec d’autres acteurs (Netatmo et Lancey travaillent avec des promoteurs immobiliers pour intégrer leurs solutions dès la conception des logements) ou des fusions (Netatmo et Legrand ou encore Nest et Google).
Ces dernières années, l’interface utilisateur a radicalement changé. Dorénavant, il est possible de gérer sa consommation énergétique depuis son smartphone ou sa tablette, depuis chez soi ou à l’extérieur, en temps réel.
Concernant les services, nous avons choisi de regrouper les solutions de surveillance de la consommation d’énergie d’un côté et celles de contrôle de l’autre.
Surveillance et analyse de la consommation énergétique d’un logement
La domotique utilise des technologies et réseaux informatiques qui consomment de l’énergie. Toutefois, bien exploités, elle permet de réduire les dépenses d’énergie tout en apportant plus de confort. Ainsi des acteurs ont développé des solutions de surveillance en temps réel des différents appareils électriques et de chauffe de la maison permettant aux propriétaires d’avoir un suivi de leur consommation énergétique à tout moment.
Ecoisme, la startup londonienne crée en 2013, est allée plus loin en proposant des conseils et des alertes à l’utilisateur quand ses appareils restent allumés ou qu’un problème est détecté. C’est en connectant un seul capteur à la boite de fusibles, combiné à une application que Ecoisme permet aux consommateurs d’avoir un prévisionnel de leur facture d’électricité.
En proposant un bilan électrique de la consommation d’un logement, la startup française Wivaldy permet aux utilisateurs d’ajuster leurs options tarifaires en fonction de leurs habitudes (ex : vérifier si les heures creuses sont rentables), d’identifier les surconsommations et de trouver des offres plus économiques en fonctions de ses réels besoins.
Domotiques connectées et programmables à distance
Les systèmes de gestion de l’énergie domestique permettent également de rendre les appareils électriques connectés et programmables à distance grâce à la mise en place d’interrupteurs, capteurs et de prises connectées.
Ainsi certains acteurs utilisent comme levier leurs offres pour la maison connectée afin de proposer des solutions de gestion de l’énergie. Legrand propose ainsi un kit de démarrage Céliane with Netatmo qui permet de connecter une pièce et d’ainsi en contrôler l’éclairage, les volets roulants et les appareils électriques via une application mobile et/ou par assistant vocal.
D’autres acteurs, tel que la startup lyonnaise Ogga, proposent des offres pour l’habitat intelligent centrées sur la gestion de l’énergie. Ainsi, grâce à son offre Eco-Touch, Ogga garantie la coupure centralisée et automatique des circuits d’éclairages et d’un circuit de prises électriques dédiée pendant les absences permettant ainsi d’éviter le gaspillage d’énergie et les oublis. Son offre comprend également le pilotage des volets roulants, compteur d’énergie et thermostat intelligent.
La gestion du chauffage
Parmi les solutions de gestion énergétiques à la maison, on retrouve tout ce qui relève de la régulation intelligente des outils de chauffe.
Commençons par l’outil le plus connu sur le marché : le thermostat. Aujourd’hui de nombreux acteurs tels que Netatmo, Nest, Somfy, Qivivo, tado°, Momit, Ween, Honeywell, Ecobee proposent des thermostats connectés et intelligents. D’autres tels que Legrand ou Bosch proposent des thermostats connectés au sein de leurs kits de gestion du chauffage au sein de la maison.
Le concept n’est pas si différent des thermostats traditionnels (allumer et éteindre le chauffage de manière centralisée) mais dorénavant, les thermostats sont connectés (et non reliés à une prise via un câble) et ont une meilleure interface utilisateur (application mobile ou tablette). Ils possèdent des algorithmes d’intelligence artificielle (machine learning) qui permettent de prévoir des scénarios en fonction des horaires et de l’occupation du logement (baisser le chauffage à 8h quand je quitte la maison, rallumer le chauffage 30min avant que je rentre à la maison) et faire des recommandations personnalisées aux utilisateurs pour consommer moins d’énergie.
Toutefois, si ces thermostats sont compatibles avec tous types de chaudières, ils ne sont pas adaptés aux anciennes génération de chaudière car ils entrainent des marches/arrêts très fréquents de celle-ci, ce qui crée une surconsommation nous explique Laurent Fantino, directeur des ventes Bosch France. De manière à optimiser sa consommation et réaliser des économies sur sa facture de chauffage, il est donc important de combiner son système de régulation avec une chaudière adaptée.
Le chauffage de l’eau est également un élément important de dépense énergétique. Ainsi grâce à des capteurs de présence, la douche écologique INSENS de INMAN permet, selon le paramétrage, la réduction ou l’arrêt du flux d’eau si l’on s’éloigne du jet pour se savonner par exemple. Le co-fondateur d’INMAN, Gilles Chantelot indique qu’ « elle permet d’atteindre jusqu’à 50% d’eau chaude en moins à l’échelle de la maison ».
III- Les freins au développement des solutions de gestion de l’énergie
Entre retour sur investissement contestable et attentes des consommateurs
Laurent Fantino, directeur de ventes Bosch en France, nous explique que les principales attentes des consommateurs en terme de technologies de la maison connectée concernent en premier lieu la sécurité puis le confort. Vient seulement ensuite l’attrait pour la gestion de l’énergie.
Il semblerait que les principales motivations pour ces solutions soient avant tout pour le confort qu’elles procurent aux utilisateurs (pouvoir éteindre la lumière depuis son canapé), car si les économies de coûts vendues sont attrayantes, les consommateurs ne semblent pas encore s’y retrouver en termes de retour sur investissement nous indique Laurent Fantino. Ces questions de ROI seraient le premier frein à l’adoption massive pour ces solutions.
Pourquoi les consommateurs ne s’y retrouve pas en termes de retour sur investissement ? Dans un premier temps, les utilisateurs font rarement l’effort de suivre les recommandations de ces solutions. Dans un deuxième temps, les promesses de ROI sont souvent calculées en n’intégrant pas les critères d’existence d’une isolation dans l’habitation ou la nature du réseau de chauffage par exemple.
Enfin, il y a une très grande résistance à l’adoption des consommateurs de solutions intégrant la géolocalisation et le geofencing et cela malgré les avantages que ces options fournissent en terme de confort à l’utilisateur et malgré les autres solutions de géolocalisation adoptées et utilisées par les consommateurs au quotidien.
Ces solutions de gestion de l’énergie dans la maison ne sont donc pas encore totalement en phase avec les besoins des consommateurs et seraient seulement des « nice to have » et non des « must have » pour ces derniers.
La cybersécurité
L’une des autres barrières à l’adoption rapide et croissante de ces solutions est liée à la protection des données des utilisateurs. Face à la bataille entre Google et Amazon autour de la possession et l’utilisation des données chez le consommateur, il s’agit pour les acteurs de la gestion de l’énergie dans la maison de rassurer le consommateur.
Ainsi, Bosch garantit au consommateur qu’il reste propriétaire de sa donnée via l’architecture des systèmes (le contrôleur intelligent est dans la maison et les informations ne sont pas stockées dans le cloud), via son engagement de ne pas exploiter et revendre les données des consommateurs et enfin par son travail sur la protection des protocoles pour lutter contre la cyber sécurité.
IV- La grande tendance de l’autoconsommation
L’une des autres solutions qui aide les habitants à contrôler l’utilisation de l’énergie dans la maison et à réduire les coûts a trait aux nouvelles capacités de stockage de l’électricité solaire. L’énergie solaire photovoltaïque ou thermique à petite échelle permet aux foyers de produire une partie de leur électricité ou de la chaleur chez eux.
Concernant les panneaux solaires photovoltaïques qui transforment l’énergie solaire en électricité, le consommateur peut choisir de consommer lui-même son énergie solaire ou de l’exporter dans le réseau. Associé à un système de stockage de batterie solaire, ce système de gestion de l’énergie domestique devient encore plus attractif car il permet une autosuffisance énergétique domestique et donc une baisse des factures d’électricité.
Insunwetrust.solar a publié un guide en mars dernier sur la rentabilité des panneaux solaires. Selon ce guide, « 7 français sur 10 déclarent souhaiter équiper leur logement d’une installation solaire pour alimenter leur propre consommation d’énergie dans les 5 années à venir ». L’aide financière de l’Etat pour les personnes souhaitant investir dans les panneaux solaires pour consommer leur propre électricité est comprise entre 90 et 390€ par kilowatt-crête installé et est indexée sur la puissance totale de l’installation. Cette aide participe à l’accélération de l’adoption de ces systèmes.
Comme l’explique Selectra dans son article sur l’autoconsommation et les batteries domestiques ces systèmes ne sont pas encore économiquement intéressants pour les foyers. Les consommateurs peuvent mettre une quinzaine d’année pour récupérer leur mise initiale. Certains acteurs tels que Bosch privilégient alors le déploiement de leurs offres dans des pays où l’électricité est relativement chère (ex : en Allemagne, au Danemark ou en Belgique) et où ce système serait davantage rentable pour les consommateurs.
En conclusion, nombreuses sont les solutions de gestion de l’énergie à la maison mais encore trop restreintes à un public aisé. Le potentiel de ces solutions est attrayant mais il s’agira pour les acteurs sur ce marché et les nouveaux entrants de proposer des solutions plus abordables afin que les consommateurs s’y retrouvent en termes d’économies.