Co-living : mieux vivre ensemble (1/2)
Ces derniers jours, les bienfaits du vivre ensemble nous rendent nostalgiques... Le co-living, logement flexible axé sur les services et la communauté est une option intéressante pour l'après covid-19
Bien sûr aujourd’hui, la première chose à laquelle on pense en cette période de crise sanitaire, c’est se distancer socialement (et c’est même obligatoire !).
Toutefois, cette crise aura une fin et nous avons choisi de vous présenter cette fin sous son meilleur jour grâce au modèle du co-living qui répond à des éléments de conjoncture qui sont là pour rester : carrières plus incertaines et adaptatives, solitude des grandes villes, crise durable du logement pour les jeunes actifs, éloignement de la propriété, etc.
Un marché encore restreint mais qui intéresse déjà une multitude d’acteurs
D’après une étude publiée fin 2019 par BNP Paribas Real Estate, le co-living représente plus de 5 000 places en France dont l’Ile-de-France représente environ la moitié. Ce marché enregistre un nombre important d’annonces de projets en construction ou en rénovation (3500 nouvelles places de co-living étaient en projet en 2019). A titre d’exemple, on peut citer The Babel Community qui a ouvert sa seconde résidence de 3700m2 en plein Montpellier en décembre dernier, Sharies qui prévoit d’ouvrir une dizaine de nouveaux lieux d’ici 2022 (Paris, Mulhouse, Strasbourg, Saint-Etienne, Le Havre, Vanves) et Colonies qui en prévoit une cinquantaine en Europe cette année.
Ce marché pourrait devenir une tendance aussi forte que celle du co-working et représente à ce titre une nouvelle opportunité d’investissement. La réussite de projets emblématiques rassure, telle que celle du campus Ecla Paris Massy-Palaiseau qui affiche 96% d’occupation pour ses 1300 lits après seulement quelques mois d’ouverture.
Si le co-living est encore assez peu développé en France, c’est une tendance de fond depuis plusieurs années aux Etats-Unis et en Asie, où les grands groupes (Medici Living, You+, Harbour Appartements) exploitent déjà des dizaines de milliers d’unités.
A ce propos, mon collègue Ulysse Laroche a rédigé un papier sur Colonies que je vous conseille d'aller lire (ici). Son analyse montre notamment qu’un opérateur, comme Colonies - qui s’adresse aux jeunes travailleurs et étudiants de la région parisienne et s’empare de 5% de ce marché adressable - peut facilement gagner 20 millions d’euros par an.
Le co-living intéresse les opérateurs traditionnels de l’immobilier résidentiel
Les promoteurs immobiliers diversifient leurs offres :
Bouygues Immobilier a ainsi créé Koumkwat, une société en charge de la gestion d’espaces de co-living;
Vinci Immobilier a lancé son projet Bikube, dont l’ouverture est prévue en 2022;
Axis Immobilier qui prévoit, d’ici 2025, de réaliser 500 millions d’euros d’investissements sur son nouveau format de résidence : The Babel Community;
BNP Paribas Real Estate a lancé Colivme, la première marketplace du co-living en Europe en octobre dernier.
D’autres opérateurs procèdent à un rebranding de leurs offres existantes de résidences étudiantes comme KLEY qui propose désormais son offre de co-living à destination des jeunes actifs et actifs en situation de transition de vie, sous la marque “KLEY Urban Village”.
Les start-ups saisissent l’opportunité du co-living : les « pure-players »
Les start-ups PropTech n’ont pas tardé à s’ajouter aux acteurs plus traditionnels du marché de l’immobilier résidentiel pour proposer leur conception du co-living (Colonies, Sharies, Lime, La Casa, etc.) jumelée à des briques technologiques (applications, objets connectés, optimisation énergétique des bâtiments, etc.).
Ces « pure players » du co-living attirent les investisseurs et les levées de fonds se multiplient : The Collective ($400M en avril 2018), Medici Living (1Mds€ en janvier 2019), Tripalink ($18M en aout 2019), Bungalow ($47M en novembre 2019).
Le 4 mars dernier, le fonds LBO France a injecté 150 millions d’euros sous forme de projets immobiliers dans la start-up Colonies qui avait déjà levé 11 millions d’euros en février 2019. Les investisseurs historiques participent à l’accélération de Colonies et remettent 30 millions d’euros en fonds propres.
La société Audacia a même créé le fonds Elévation dédié au financement de résidences de co-living en France et en Europe.
Un nouveau modèle de location répondant aux nouveaux besoins de la population
Pour répondre aux besoins d’une population dont les modes de vie et usages ont changé, les limites du marché immobilier traditionnel sont nombreuses. Il existe donc désormais une distorsion significative entre le produit Logement, qui a très peu évolué ces dernières décennies - et la demande de logement.
Constat #1 : La difficulté croissante d’accès au logement
La difficulté d’accès au logement s’explique par l’augmentation du budget habitat : logement, transport, eau, électricité, wifi, chauffage et notamment avec l’augmentation des loyers (supérieur à 3% par an en moyenne entre 1998 et 2018 dans les grandes métropoles françaises).
L’exigence d’avoir des garants solides et une situation financière confortable complexifie également l’accès au logement des étudiants et des auto-entrepreneurs dont le nombre est en croissance soutenue et constante. La croissance annuelle moyenne d’étudiants est de 1,6% en 15 ans. Le nombre de créations d’entreprises individuelles de services a explosé ces dernières années : environ 125 000 en 2000 contre près de 550 000 en 2018.
A cette difficulté d’accès au logement s’ajoute la complexité des démarches associées : souscriptions des abonnements, ameublement, etc.
Constat #2 : Les besoins de logement en période de transition de vie
Source : BNP Paribas Real Estate, Le marché du coliving en France
Le co-living est particulièrement apprécié par les personnes période de transition dans leur vie (période étudiante, l’entrée dans la vie active et la fin de carrière professionnelle). Pour ces personnes, le co-living permet un “ancrage social et un confort rapidement gagné, le tout en conservant liberté, flexibilité et indépendance” (CBRE).
Ces personnes en période transitoire (professionnelle ou familiale) recherchent des logements de durées flexibles. Si certaines situations (stages à l’étranger, logements provisoires le temps des travaux dans sa résidence principale, formations professionnelles, …) sont par définition courtes, d’autres sont impossibles à quantifier à l’avance. Pour ces personnes, il est ainsi complexe de s’engager sur des durées de locations pré-définies.
Constat #3 : l’augmentation des personnes vivant seules et à la recherche de lien social
Source : Insee RGP, BNP Paribas Real Estate
Pour chaque classe d’âge, la tendance est commune : de plus en plus de personnes vivent seules. La vie solitaire est parfois choisie, parfois subie. Cette augmentation de personnes vivant seules sont autant de co-livers potentiels, à la recherche d’une vie en communauté.
Pour en savoir davantage sur les défis du logement pour les personnes en transition, je vous invite à lire l’étude BNP Paribas Real Estate réalisée fin 2019.
Résultat d’une nouvelle tendance avec de puissants moteurs macro sociologiques : Une bonne opportunité pour proposer une solution « Plug & Play » et une expérience locative de qualité
Ainsi est né le co-living, une offre d’hébergement clé-en-main avec un package de services compris. Nexity relève dans son étude « coliving et vivre ensemble » que 10% des français sont intéressés par le co-living soit 6,7 millions de personnes adressables.
La définition du co-living est assez large – chaque opérateur ayant sa propre conception – mais elle se construit autour trois piliers :
La flexibilité :
Une flexibilité sur la durée d’engagement dans la résidence avec un préavis court;
Une flexibilité d’installation avec une offre “plug & play” qui permet d’emménager dans un logement déjà meublé et équipé avec tous les abonnements immédiatement disponibles;
Une flexibilité du logement : studio privatif ou appartement personnalisables, espaces communs et partagés, espaces ouverts au public.
Le co-living offre une bonne solution pour les personnes de passage qui restent trop longtemps dans une ville pour réserver à l’hôtel mais qui ont tout de même besoin d’une flexibilité que le logement locatif traditionnel n’offre pas.
Le service :
50 % des co-living proposent 9 services/activités ou plus et jusqu’à 21 services. Ils comprennent un haut niveau de services et de prestations (mobilier, équipements de sport, gestion du linge, service de ménage, abonnements internet, reprographie, parking, réception du courrier) et des activités (projections cinémas, ateliers cuisine, cours de sport).
Le parcours client est digitalisé, ce qui facilite la recherche et l’accès à l’offre pour les co-livers. La digitalisation des services permet également aux opérateurs de proposer des espaces de qualité.
Par exemple, sur l’application Sharies les co-livers pourront bientôt réserver des cours de fitness, vérifier la disponibilité de la machine à laver, mettre en vente son vélo, personnaliser sa chambre, consulter ses documents administratifs, remonter des soucis de maintenance, ou encore réserver son petit déjeuner au restaurant de la résidence. Pour l’opérateur, l’application dédiée à l’immeuble lui permet de piloter ses résidences à distance, de contrôler le taux de remplissage et la consommation d’énergie des bâtiments.
La communauté :
Les « co-livers » ont accès à des espaces communs qui permettent des interactions sociales entre les différents membres, tout en conservant une intimité avec un espace qui leur est privatif. Le co-living répond ainsi à une forme d’isolement dans les grandes villes.
Certains opérateurs tel que Sharies choisissent de ne pas proposer des appartements avec des cuisines individuelles mais une cuisine commune pour que le salon ne soit pas juste « un couloir de passage » nous explique Edouard Chandavoine.
L’esprit de communauté ne se limite pas aux locataires mais tend à s’élargir au quartier voire à la ville où le logement est implanté. The Babel Community et Sharies proposent des espaces de restauration et des espaces de co-working ouverts également aux personnes non-membres de la résidence.
Le co-living semble donc être en parfaite adéquation avec les attentes du marché.
Le modèle -encore très jeune en France- devrait s’affiner au fur et à mesure que le marché gagnera en maturité. Pour ce faire, les acteurs du co-living devront faire face à deux principaux enjeux : financier et juridique, que nous vous détaillerons dans la newsletter de la semaine prochaine.